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[Semaine Nationale de Lutte Contre le Cancer] Focus sur la recherche au CARPEM sur le cancer du foie

A l’occasion de la semaine nationale de lutte contre le cancer, nous vous proposons de revenir sur les principales réalisations du CARPEM depuis 2018. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux publications majeures réalisées dans le domaine du cancer du foie.

Le cancer du foie le plus fréquent est le carcinome hépatocellulaire (CHC). Dans la plupart des cas, ce cancer se développe sur un foie déjà fragilisé par une maladie chronique du foie qui se traduit dans la plupart des cas par une cirrhose. Ce cancer est la 3ème cause de mortalité par cancer dans le monde. En 2018, on estime à près de 11 000 le nombre de nouveaux cas et plus de 8 000 le nombre de décès. Les facteurs de risques sont bien identifiés : consommation excessive d’alcool, infection par les virus de l’hépatite B et C ou encore obésité. Néanmoins ces dernières années, le syndrome métabolique (association de plusieurs manifestations cliniques: obésité, diabète, hypertension artérielle, dyslipidémie) apparait comme un nouveau facteur de risque émergent dans le développement des CHC.

Les travaux menés par les équipes du CARPEM s’intéressent à comprendre comment le contexte génétique et le métabolisme contribuent au développement du cancer du foie. Retrouvez ci-dessous les principales publications réalisées par nos équipes de recherche.

a) Prédispositions génétiques et cancer du foie 

– Le variant de la protéine 17-ß-hydroxysteroid dehydrogenase (HSD17B13) a un effet protecteur sur le développement des CHC chez l’Homme Yang J et al. Hepatology 2019 

– Les variants TM6SF2 et PNPLA3 sont des facteurs de risques dans la survenue d’un CHC, en particulier chez des patients qui présentent des troubles métaboliques liés ou non à l’alcool  Yang J et al. Int J Cancer 2019.

– La mutation germinale de la protéine APC contribue au développement d’un hépatoblastome (cancer du foie pédiatrique) caractérisé par un important infiltrat immunitaire associé à la présence de structures lymphoïdes tertiaires tertiaires Morcrette G et al. Oncoimmunology 2019 

– Le virus de l’Hépatite B s’insère dans le génome des hépatocytes amont de la transformation maligne. Ces insertions agissent comme des activateurs d’oncogènes, et contribuent à l’instabilité chromosomique Péneau C et al, Gut 2021 

– Le polymorphisme WNT3A/WNT9A joue un rôle protecteur dans l’apparition du CHC chez des patients ayant une consommation élevée d’alcool, démointrant comment la voie WNT/ß-caténine interfère précocément dans les étapes de transformation maligne Trépo E et al, Lancet Oncology, 2021

Ensemble, ces résultats identifient une étroite interaction entre les prédispositions génétiques et les facteurs de risque dans le développement du CHC.

b) Hétérogénéité des cancers du foie et réponse thérapeutique

– En tenant compte de l’hétérogénéité moléculaire des tumeurs hépatiques, des modèles précliniques basés sur la caractérisation génomique d’une large collection de lignées cellulaires tumorales humaines criblées avec >100 composés ont été développés. Cette stratégie a permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques associées à des biomarqueurs. Caruso S et al. Gastroenterology, 2019. Ce travail a par ailleurs permis le développement de la base de données Liver Cancer Cell Line.

– L’attrition des télomères dans le foie, modulée par le vieillissement, le sexe, la fibrose et l’alcool, est associée à des caractéristiques cliniques et moléculaires spécifiques du CHC. Ces travaux identifient TERT comme une nouvelle cible thérapeutique du CHC. Ningarhari M et al, J Hepatology, 2021

– De nouveaux sous-types moléculaires de CHC ont été décrits, associés à des altérations spécifiques des voies de signalisation: l’identification de mutations de BAP1 dans le carcinome fibrolamellaire Hirsch TZ et al. J Hepatol 2020; l’activation de CCNA2 ou CCNE1 pilotent un nouveau sous-type de réarrangement chromosomique Bayard Q et al, Nat Commun 2018; des altérations chromosomiques impliquant les gènes ROS1, FRK ou IL6 dans l’adénome hépatocellulaire inflammatoire bénin Bayard Q et al. Gut 2020 

– Diverses sous-classes moléculaires de tumeurs hépatiques sont associées au pronostic de progression de la maladie, soulignant la corrélation avec l’hétérogénéité clinique Nault JC et al. Hepatology 2019

– Une corrélation étroite a été identifiée entre les sous-classes transcriptomiques et moléculaires du CHC avec le phénotype pathologique du CHC Calderaro J et al, Clin Can Res 2019, ou de l’adénome hépatocellulaire Calderaro J et al, NEJM 2018

c) Rôle de la voie WNT/ß-caténine dans l’activation du programme métabolique et la carcinogenèse hépatique

– Des analyses de métabolomique montrent que le CHC activé par la ß-caténine présente une addiction à la choline (visualisée par tomographie par émission de positons (TEP-TDM) à l’aide de fluorocholine radiomarquée). L’absorption excessive de choline conduit à une hyperméthylation de l’ADN dans ces tumeurs. Ce travail démontre que le diagnostic de ces tumeurs pourrait se faire par une approche d’imagerie PET-CT non invasive, et que la choline pourrait représenter une cible thérapeutique d’intérêt pour ce sous groupe moléculaire de CHC . Gougelet A et al. Gastroenterology 2019 

– Les CHC mutés pour la ß-caténine sont dépendantes énergétiquement aux acides gras, ce qui explique l’absence de stéatose dans ce sous-groupe de tumeurs Senni N et al. Gut 2019 

– Dans les CHC activés par la ß-caténine, la perte du facteur ARID1A, un remodeleur de la chromatine conduit à une transcription hépatique aberrante de l’érythropoïétine qui se traduit à une accumulation hépatique de globules rouges. Ces résultats montrent que la perte de ARID1A est capable de reprogrammer le transcriptome de la ß-caténine dans le foie Riou R et al., eLife 2020 

– Chez la souris, la délétion de l’exon 3 du gène codant pour la ß-caténine conduit à l’activation de cette dernière (mutation activatrice de la voie retrouvée dans les CHC humains). Cette mutation conduit au développement de CHC bien différenciés soit à des tumeurs de type hépatoblastome Loesch R et al., J Hepatol 2022

d) la polyploïdie du foie comme un marqueur pronostic et diagnostic du cancer du foie

La détermination du spectre de ploïdie in situ sur coupe de tissu permet de localiser avec précision les contingents polyploïdes au sein de la tumeur hépatique et du parenchyme non tumoral. Il a été montré que la ploïdie nucléaire était suffisante pour distinguer les parenchymes hépatiques pré-malins et malins, avec une amplification de la fraction d’hépatocytes polyploïdes mononucléés (ploïdie nucléaire) spécifique dans les CHC. La quantification des hépatocytes polyploïdes mononucléés pouvait être un marqueur de CHC de mauvais pronostic. Bou-Nader M et al. Gut 2020