A l’occasion de la semaine nationale de lutte contre le cancer, nous vous proposons de revenir sur les principales réalisations du CARPEM depuis 2018. Dans cet article, nous allons nous intéresser aux publications majeures réalisées dans le domaine du cancer du colorectal.
Le cancer colorectal est un des cancers les plus fréquents en France. Ce cancer est la 2ème cause de mortalité par cancer en France et dans le monde. En 2018, on estime à plus de 43 000 le nombre de nouveaux cas et plus de 17 000 le nombre de décès. Un des principaux facteurs de risques est l’âge, 9 personnes atteintes sur 10 ont plus de 50 ans. Les habitudes de vies, telles que l’alimentation, la sédentarité, la consommation de tabac ou encore la consommation d’alcool sont aussi des facteurs de risques. Il est important de noter qu’à l’heure actuelle, 20% des cancers colorectaux chez les plus de 30 ans sont directement liés à la consommation d’alcool.
Une partie des travaux menés par les équipes du CARPEM sur le cancer colorectal visent à comprendre l’hétérogénéité des tumeurs et à définir des biomarqueurs composites pour prédire le pronostic et la réponse au traitement.
a) Analyse du lien entre hétérogénéité tumorale et la réponse aux traitements
Des stratégies couplant l’analyse à l’échelle single-cell, des cultures de cellules tumorales 3D et des modèles in vivo dédiés à l’analyse de l’hétérogénéité tumorale ont été développés. Les premiers résultats montrent l’impact de l’hétérogénéité intratumorale pour le pronostique des patients atteints de cancer du côlon localisé (Marisa et al., Clin Cancer Res. 2021). Cette hétérogénéité joue également un rôle sur la sensibilité de sous types moléculaires chimiorésistant du cancer du côlon à différentes molécules (Deng et al., Cell Death and disease 2021).
b) L’ Immunoscore comme biomarqueur prédictif et pronostique
Le test Immunoscore (IS) qui quantifie à la densité des cellules T CD3+ et T CD8+ dans la tumeur et son front d’invasion a été développé. La robustesse et la performance analytique du test IS ont été récemment étudiées (Marliot et al. J Immunother Cancer 2020) et la performance pronostique de l’IS sur les tumeurs primaires a été confirmée dans une étude de validation internationale (Pages et al. Lancet 2018). Cela a conduit à une nouvelle recommandation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de la classification des tumeurs digestives (5ème édition) pour tester la réponse immunitaire comme une caractéristique essentielle. Par ailleurs, l’IS est aujourd’hui intégrée dans les recommandations de pratique clinique de l’ESMO pour le diagnostic, le traitement et le suivi des patients atteints d’un cancer colorectal localisé (Argiles G et al., Annals of Oncology, 2020).
Dans les lésions métastatiques, l’IS de la métastase la moins infiltrée est significativement associé à une survie prolongée (Mlecnik B, et al. J Natl Cancer Inst 2018). Dans une grande cohorte de patients métastatiques atteints d’un cancer colorectal de stade IV, l’Immunoscore et l’immunoediting sont les deux meilleurs facteurs prédictifs de la récidive des métastases (Angelova M, et al. Cell 2018).
Par ailleurs, l’IS a également été évalué en tant que biomarqueur prédictif de la réponse clinique à la chimiothérapie. L’IS a été évalué dans la cohorte IDEA France en comparant les effets de la chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine à 3 et 6 mois chez les patients atteints de CC de stade III. Seuls les patients avec un IS élevé peuvent tirer un plus grand bénéfice de la chimiothérapie en termes de risque de récidive. En effet, les patients avec un IS faible (46,4%) n’ont pas bénéficié de manière significative du mFOLFOX6 de 6 mois par rapport au 3 mois (Pages F, et al. Ann Oncol 2020).
Plus récemment, des études ont également prouvé la capacité de l’IS, appliqué sur des biopsies réalisées à des fins de diagnostic, à prédire la réponse à la radiochimiothérapie néoadjuvante dans les cancers du rectum (El Sissy C et al, Clin Cancer Res 2020). Le test IS permet d’envisager des stratégies thérapeutiques moins agressives (stratégie Watch and Wait ou chirurgie minimale) avec une préservation des organes dans des sous-groupes de patients présentant un IS élevé.
c) L’ADN tumoral circulant (ADNtc) post-opératoire comme marqueur pronostique et prédictif
Dans un travail pionnier réalisé par l’équipe de P.Laurent-Puig/V. Taly, une excellente concordance a été observée entre le statut mutationnel de RAS analysé sur l’ADN tumoral circulant plasmatique (par NGS ou analyse de la méthylation PCR digitale) et dans le tissu tumoral de patients atteints de cancer colorectal et de métastases hépatiques. Ces résultats ont permis de valider le test plasmatique pour l’analyse de routine des mutations RAS chez ces patients (Bachet JB, et al. Ann Oncol 2018).
Par ailleurs, il a été démontré que l’ADNtc plasmatique était un marqueur de récidive pertinent pour les patients atteints de cancer du côlon localisé dans le cadre de l’étude prospective multicentrique ALGECOLS (Benhaim et al., European Journal of Cancer 2021). De la même manière, la valeur pronostique de la mesure de l’ADNtc post-chirurgie a été montrée sur une très large cohorte de patients (n=1345) dans le cadre de l’étude post hoc de l’essai clinique PRODIGE-GERCOR IDEA-France (essai de phase III) (Taieb et al., Clinical Cancer Research 2021) Enfin, un essai randomisé interventionnel de phase III (national, multicentrique, coordonné par P. Laurent-Puig et J. Taïeb) a été initié en 2021. Cet essai vise à utiliser la mesure de l’ADNtc post-chirurgical pour l’identification des patients à fort risque de récidive et la mise en place de chimiothérapie neoajuvante (CIRCULATE – PRODIGE 70 trial) (Taieb et al., Digestive and Liver Disease 2020).